lejournaldelou
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On n'a rien perdu si on ne le sait pas

Je n'arrive plus à gérer la perte. Un peu comme si quelque chose ne fonctionnait plus très bien depuis un certain temps (c'est justement ça le problème, je ne sais pas quand ça a craqué).

Quand je perds quelqu'un ou quelque chose, je fais comme si rien ne s'était passé dans un premier temps. Et ça fonctionne bien. Jusqu'à ce que j'oublie que c'est fini... A ce moment là je me force à penser que c'est fini, ...

A côté de mon écran (endroit où je passe le plus clair de mon temps) j'ai installé un véritable mausolée aux gens, aux choses et aux émotions que j'ai perdues. Au début j'ai fait ça un peu inconsciemment, parce que je voulais me sentir dans mon cocon, mais ensuite j'ai systématiquement réunnis les objets qui me rapellaient les pertes que j'ai subies depuis que je suis née. Mais ça ne fonctionne pas.
Celà peut paraitre morbide dit comme ça, ces photos de personnes décédées et ces choses que je ne reverrai jamais, mais pour moi ça ne l'est pas, car je n'arrive pas à me convaincre que c'est fini. C'est comme bloqué.

Je sais que je ne suis pas quelqu'un qui affronte la réalité en face, et ce depuis le départ. Je met les choses de côté quand elles ne me plaisent pas et je m'efforce de ne plus y penser. Je suis quelqu'un de lâche. Mais à force de faire ça, je me suis enfermée toute seule dans quelque chose que je ne contrôle plus.

Je suppose que la façon de gérer les pertes subies façonne un être, et que ça le grandit. Si ce que je pense est vrai, alors j'ai encore 5 ans, des bouclettes, et mon petit frère mesure à peine 45 cm de long... C'est abhérant.

J'avais pourtant réussi à gérer certaines pertes, comme celle de mon grand père (le père de ma mère car pour le père de mon père j'étais trop jeune et je ne m'en suis pas réellement rendue compte). Je me souviens avoir beaucoup pleuré, et avoir été triste pendant longtemps, j'avais compris que c'était la fin et je l'ai encaissé.

J'ai comme perdu le mode d'emploi.

Comment être réellement triste et vider son sac quand on ne réalise pas qu'on a perdu quelque chose ou quelqu'un ? C'est impossible... C'est impossible d'aller à un enterrement quand on n'est pas triste à en mourir (sinon ce n'est pas la peine d'y aller, moi j'aimerai que tout le monde sois triste à mon enterrement), et si je ne suis pas triste c'est parce que quelque chose débloque, je ne crois pas qu'ils sont morts. Bien sûr, ne pas aller aux enterrements renforce encore le phénomène, ça je le sais bien, j'en ai eu plusieurs fois l'expérience.

Je crois qu'un jour ça a craqué, j'ai du me sentir submergée par trop de deuils d'un coup, je sais que c'est ce que j'ai senti à un moment donné, j'avais l'impression de ne pas avoir entamé un deuil, qu'un autre commencait, et ainsi de suite... J'ai énormément de retard, et je n'arriverai jamais à le rattraper.

C'est pour ça que la maison de ma grand tante et de mon grand oncle est toujours la maison de mon grand oncle et de ma grand tante. Que la maison de ma grand mère est toujours celle de ma grand mère, malgré la locatrice qui y vit. Que la maison où j'ai grandit est toujours ma maison, malgré les propriétaires actuels qui l'ont défigurée. C'est pour ça que je suis coincée, parce que je me sens toujours dans mon passé, alors que le temps avance et que je n'arrive pas à m'en rendre compte.

Je ne sais pas si c'est bien ou mal pour moi, jusqu'à présent je gère assez bien ce problème, il me suffit de n'y pas penser, comme pour tout le reste. Au fond ce n'est pas obligatoire de faire le deuil, mais on doit certainement se sentir mieux après l'avoir fait, je suppose.

Pourtant, je me sens de plus en plus froide et distante, j'ai l'impression d'être un monstre. Je sais que ce n'est pas vrai, et qu'au fond je suis surement morte de chagrin, mais je ne peux pas m'empêcher de me sentir coupable des fantômes qui m'entourent. C'est ainsi.

De toute façon, même si je me décidais un beau matin de prendre tout ça à bras le corps, je ne sais pas comment faire, j'ai l'impression qu'il est trop tard, certains deuils auraient du être fait il y a des années.

Et j'ai peur d'être une psychopathe. Je me sens psychopathe parfois, il parait que le signe d'une bonne santé mentale c'est de se demander parfois si on est fou... Alors sans doute que je ne suis pas folle. Mais comment vraiment savoir ?

Peut-être aussi que je me fais des idées, et qu'en fait tout ça est tout à fait normal, et que tout ce que tout le monde raconte sur le deuil est faux ou juste une grande théorie, ça me parait plausible puisque nous sommes tous différents (parait-il)...

Bah... ^^

Lou | 8/14/2008
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